NOUS SOMMES LES OISEAUX DE LA TEMPÊTE QUI S’ANNONCE
D’après le roman de Lola Lafon
Conception & Mise en scène : Hélène Soulié
Adaptation & dramaturgie : Hélène Soulié – Magali Mougel
Création le 21 février 2017 à Humain trop humain I Centre Dramatique National de Montpellier
Rien qui s’achète. Rien qui se négocie. Repousser la conciliation.
Rien que du feu. Rien que faire vivre les heures.
Courir pour essouffler le temps. Enchaîner sans pause. Réapprendre les gestes.
Et répandre la joie explosive de nos fêtes impolies, irréconciliables.
CREDIT PHOTO : MARC GINOT – 2017
Trois femmes. Jeunes. La trentaine.
Les deux premières se sont rencontrées un mardi soir, dans un groupe de parole pour femmes victimes de violences sexuelles, métro St Ambroise.
La troisième, elles l’ont rencontrée dans une cinémathèque déserte où ne sont projetés que de vieux films, et où toutes trois passent le plus clair de leur temps.
Lorsque l’histoire commence, Emil, l’une d’elle, est victime d’une mort subite.
“De quoi se meurt-on ? Qui a coupé nos nerfs ?”
De Paris à Rome, en train, en bus ou en stop, elles vont toutes trois prendre d’assaut le temps et les territoires traversés pour tenter de comprendre ensemble, ce qui les entrave, les tuent, et les sauvent.
DISTRIBUTION
Conception & Mise en scène :
Hélène Soulié
Adaptation & dramaturgie :
Hélène Soulié – Magali Mougel
Scénographie :
Emmanuelle Debeusscher
Lumière :
Maurice Fouilhé
Vidéo :
Maïa Fastinger
Son :
Jérôme Moisson
Costumes :
Catherine Sardi
Le texte est édité aux éditions Flammarion
DISTRIBUTION
Lenka Luptakova,
Solenn Louer,
Audrey Montpied,
Claire Engel,
Zoé Poutrel,
Cantor Bourdeaux,
Jérôme Denis
et Julien Testard.
Production – Diffusion : Jessica Régnier
assistée de Pauline Roybon / Les 2 bureaux
PRODUCTION
Production
EXIT
Coproduction :
HTH-CDN de Montpellier
Le théâtre, Scène nationale de Narbonne
Accueil en résidence :
Maison Maria Casarès-Alloue, La Chartreuse – CNES, Domaine d’O-Montpellier.
Avec le soutien :
du Ministère de la Culture et de la Communication, la Région Occitanie, la Ville de Montpellier, la Région Nouvelle Aquitaine, la SPEDIDAM, l’ENSAD de Montpellier et l’École du Nord (aides à l’insertion professionnelle).
EXIT est une compagnie conventionnée par la DRAC Occitanie et la Région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée
TRAILER
Jean-Marie Gavalda, Midi Libre – 23 février 2017
“Le spectacle s’anime avec une satire de l’élitisme culturel (à la Villa Médicis) et décolle lors d’une insurrection de rue homérique, féroce et réjouissante. Une révolte contre l’ordre établi, aux résonances politiques très actuelles, avec un engagement physique impressionnant des huit acteurs dans une atmosphère carnavalesque avec fumigènes, bombardements de slogans, références cinématographiques et tempo techno.
A ce moment d’hystérie, succède le calme glacé d’un dîner-réquisitoire autour d’une jeune femme « assignée à résidence », à cause de son engagement trop fort lors de la manifestation, mais aussi et surtout en raison de sa fragilité mentale.
La folie est un thème récurrent chez Hélène Soulié, toujours traité avec intensité et empathie. Cette longue scène (ou Cène) brassant une multitude de citations est un joli moment de théâtre dans le théâtre.”
Pierre François, Hollybuz – 22 février 2017
“Tous les rôles sont parfaitement incarnés, la scénographie est aussi millimétrée que les éclairages sont bien réglés. Et, surtout, le sujet, quoique lourd – le viol – est traité à la fois avec sérieux et avec ce soupçon d’esthé- tisme qui le rend supportable, qui permet à la pensée de continuer à entendre la révolte de ces femmes sans ériger de barricade psychologique pour se protéger de la violence incompréhensible contenue dans ce simple fait : en France, à chaque fois que l’on croise dix femmes dans la rue, on en a croisé une qui a subi ce coup de poignard intime.”
Valérie Hernandez, La gazette – 06 mars 2017
“Tirée d’un roman de Lola Lafon, précurseur du mouvement Nuit Debout – Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce – la proposition d’Hélène Soulié est magistrale. Lumières, direction d’acteurs, rythme et puissance du propos : tout est convaincant.”
Bruno Fougniès, Reg’arts – 24 février 2017
“Une ébullition traverse le plateau.(…) Cela commence par des petits bouillonnements de révolte, un glacis d’injustice et d’horreur qui fait frôler la mort, puis une fièvre d’indignation, de cris, de démesures qui finit par tout emporter telle une explosion de vie, de vitalité, de sensualité.”
Sylvain Quissol, Mag / Maa – 06 mars 2017
“Le fond de l’air respire la révolte et le fumigène. (…) Loin de l’imagerie consensuelle des révolutionnaires de choc, il s’agit de trois femmes qui répandent l’insurrection (…) Pas de revendications, pas de négociation. Juste la joie pure de la révolte et le désir de liberté au plateau (…) Une adaptation théâtrale engagée et poétique.”
“La normalité, parlons-en. Dans l’état de normalité on ne regarde pas autour de soi : tout autour, se présente comme « normal », privé de l’excitation et de l’émotion des années d’urgence. L’homme tend à s’endormir dans sa propre normalité, il oublie de se penser, il perd l’habitude de se juger, il ne sait plus se demander qui il est. C’est alors qu’il faut créer, artificiellement, l’état d’urgence : ce sont les poètes qui s’en chargent.
Les poètes, ces éternels indignés, ces champions de la rage intellectuelle, de la furia philosophique.”
Pier Paolo Pasolini, À propos de La Rabbia
Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce est l’adaptation pour la scène du roman éponyme de Lola Lafon.
Nous avons fait le choix de respecter dans la forme théâtrale que nous sommes en train d’élaborer le rythme et les singularités poétiques qui organisent l’agencement du roman.
Rapide résumé du séquençage :
– La première partie est un journal intime qui brasse le temps et les souvenirs sur des principes analogiques, proche du rêve: c’est en fonction de mots clés que l’histoire avance.
– La seconde partie est une sorte de « Chemin de Damas », successions de tableaux sans fin qui nous emmènent en voyage à travers l’Europe pour revenir à un point zéro et ouvrir les portes des émeutes qui vont prendre d’assaut la ville de Paris.
– La troisième et dernière partie se devait d’être la plus rassurante: unité de lieu, de temps, tout se passe dans un appartement bourgeois, mais les espaces de paroles et de pensées, là encore, s’entrechoquent et vont ébranler cette unité.
Le travail que nous entreprenons sur l’œuvre de Lola Lafon permet de faire s’entrechoquer les arts connexes que convoquent l’écrivaine dans son roman (à savoir la danse classique, les théories de la danse classique, la poésie féministe, les films de Tanner, Gessner, Godard pour ne citer qu’eux et la musique Pop Rock, allant de Jermaine Jackson et Pia Zodora à Cat Power en passant par Dolly Parton).
Aussi, pour nous, cette œuvre de Lola Lafon est un espace de croisements : croisement de corps, croisement de vies, croisement d’incompatibles, croisement de langues, croisement de cultures, croisement de chemins.
Les premières questions que nous nous sommes posées, fûrent les suivantes :
comment rester au croisement ? Comment dans un carrefour, rendre possible la rencontre, le choc, “la collision”, afin de s’approcher au plus près d’un mouvement propre à la vie elle-même ? Et de rester dans ce mouvement de vie impulsé par l’écriture ?
Adapter un roman à la scène est en soi déjà constitutif de cette volonté de croisement des pratiques. C’est pour nous une façon d’aller éprouver et de chercher autre chose, en concevant de façon plus alternative le texte en plateau, en lui ôtant sa hiérarchie, en l’utilisant comme vecteur, et en mettant alors en jeu nos acquis de mise en scène et d’écriture.
Ainsi, après avoir travaillé à une première adaptation littéraire pour la scène du roman, les premières matières ont été mises en partage avec les acteurs du projet (scénographe, comédien.ne.s, éclairagiste, musicien).
Nous avons, au cours de quatre semaines de travail, cherché avec les acteurs au plateau, le fonctionnement propre à cet objet à venir, qui fera que nous raconterons à la fois le roman et quelque chose de nous.
Rapidement nous avons dû interroger la nature de l’espace qui serait en capacité de porter la parole et l’épopée, et ces espaces de croisement tant de vie que d’entrechoquements littéraires et poétiques que suggère Lola Lafon.
Nous avons initialement choisi de travailler sur des espaces nus.
Des espaces permettant à la parole d’émerger, aux personnages de prendre corps et d’exister, mais aussi capables de protéger et de mettre les corps à l’abri ou de les soumettre à l’exposition.
Emmanuelle Debeusscher, scénographe, a alors proposé un espace qui avance et évolue au rythme de la création, à l’épreuve du plateau, à celle de l’écriture de plateau.
La scénographie de Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce se révèle davantage support de jeu d’un collectif d’acteurs, plus que dispositif préétabli.
Le roman traverse un très grand nombre de lieux : rues, cafés, hôpital, île, appartements, musée, institutions… ainsi que des temporalités diverses. Assez vite nous avons su que nous ne représenterions pas tout. Qu’à l’aide de quelques éléments simples, les acteurs seraient les référents des espaces et les prendraient en charge à tour de rôle.
Seul un mur, mur de fond de scène repoussé, puis créateur de lignes, de directions et points de fuite, dialogue avec l’espace de la théâtralité. Il limite, dirige, devient support d’écriture et de révolte jubilatoire. Il est aussi support vertical, d’élévation pour les acteurs, un lieu d’effractions et de conquêtes. Il devrait finir dépecé, digéré et esthétisé comme œuvre d’art derrière la table banquet qui fera office d’unité de lieu à la scène finale des jeux d’une petite société intelligente.
Cet espace devient donc le support d’un théâtre de parole, qui convoque des matériaux textes de natures différentes. Bien évidemment le roman en est le centre, mais à la façon dont celui ci se compose nous n’hésitons pas à nourrir le travail de matériaux exogènes tels que la présence de tubes issus de la musique Pop Rock, de dialogues de films auxquels se réfèrent Lola Lafon, de paroles d’artistes, ou de documents de presse à scandale ou militante libertaire. Autant d’éléments qui constituent un vocabulaire, une grammaire qui oriente le travail aussi bien dans la narration que dans le choix des esthétiques théâtrales à convoquer et à faire se rencontrer (ici, vont dialoguer le cabaret, le théâtre d’intervention et d’agitation, la tragédie et la comédie faisant de cette œuvre à venir une pièce qui se veut à l’image du théâtre romantique où se côtoient desincompatibles).
Nous voulons ainsi revenir au plus proche des modalités du geste d’écriture du roman de Lola Lafon et en faire les principes de cette adaptation qui se fait en proximité avec le plateau et tous les médias connexes qui peuvent y être convoqués (peinture et écriture en direct, chant,danse).
Aussi, nous tenons à ce que ce projet puisse se nourrir des expériences, sensations, réflexions et corps de chacun.e.s.
C’est ainsi que nous constituerons « une langue ».
Constituer en soudant des bouts, des morceaux, des mots, des sensations. Inventer. Réinventer. Et laisser de la place au doute.
« Coller c’est écrire. » dit Apollinaire. Ecrire une autre histoire. Avec sa propre langue, sa propre temporalité. Comme la vie. Avec ses accidents. Ses multiples points de départ. Ecrire un voyage au croisement des voix. Ces voix (celle des chanteurs, des poètes, des hommes et femmes politiques, des gens dans la rue) qui nous accompagnent et nous constituent.
Nous serons ainsi au croisement des mots, des paroles, des voix.
Alors, il faudra trouver comment la parole et les corps se libèrent dans le même temps. La musicalité de l’ensemble. Comment les voix chuchotées, parlées, chantées insufflent le mouvement. Comment on ramène un corps à la vie. Et penser à ce que peut-être un corps
« subitement » vivant, se questionnant sur ce qu’il fait là. Il faudra mettre en relation les espaces de l’intime et les espaces publics. Trouver le chemin qui les relie. Qui les délie. Et les transgresser. Partir d’une réalité, d’une « concrétude » pour la fictionnaliser. Et travailler progressivement à gommer les contours de ce que l’on nomme réel ou fiction.
Ne pas, ne plus savoir, ce qui est vrai, et ce qui est rêvé. Accepter encore de perdre nos repères. Et les redessiner à notre guise. Être dans l’errance, dans le mouvement, la force centrifuge, l’issue, et enfin la dérive.
Nous sommes donc en train d’écrire une autre Histoire…
Nous souhaitons faire que le théâtre soit plus vrai, plus excitant que la vie.
Que notre prise de parole collective puisse être celle de toute une génération en marge, qui ne s’accorde pas aux couleurs de son époque, qui parle trop fort, rit trop fort, qui ne se reconnaît pas dans les rêves, les rôles, les places qu’on lui tend.
Et constituer sur scène, un « état d’urgence » pour reprendre le terme de Pasolini.
Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce sera une “réaction à l’obsession de la société pour la normalité, sa propension à exclure les déviants[1]”.
Ce sera quelque chose qui donne de la force.
Qui donne de la force à nos intuitions, à notre insouciance.
Quelque chose qui soude, qui reconstitue.
Ce sera accidenté aussi.
Parce que de toute façon la vie est bien plus chaotique que ce que l’on nous vend.
Parce qu’il n’y a pas de « notices », pas de « recettes ».
Parce qu’à l’image de la création elle-même et du théâtre, les parcours tous tracés n’existent pas.
Parce que ce qu’il nous reste ce sont les mots.
Pour ne pas devenir ces “énervés de Jumièges” : poser des actes, « faire », et DIRE, plus que jamais. Dans les cris, dans le creux de l’oreille, dans l’essoufflement, dans la palpitation.
Puisse le théâtre donner résonance à ces voix, et être cette assemblée constituée et vivante d’un monde qui s’invente.
“ Conspirons encore Voltairine ! Redevenons des bandites fiévreuses, des enfants acharnés à ne pas rester là où on nous pose. L’époque est dure aux voleuses de feu… Il nous faudra bien redevenir impitoyables et, sans rien céder de nos vies ou de nos corps, saturer chaque atome de plaisirs vagabonds sans jamais en payer aucun prix.[2]”
NOUS SOMMES LES OISEAUX DE LA TEMPÊTE QUI S’ANNONCE !
Hélène Soulié, Magali Mougel, Emmanuelle Debeusscher
[1] Jane Campion http://www.rtl.fr/culture/arts-spectacles/festival-de-cannes-2014-jane-campion-ou-la-passion-des-portraits-de- femmes-7771869448
[2] Extrait du roman : Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce – Lola Lafon