EYOLF
[Quelque chose en moi me ronge]
De Henrik Ibsen
traduit du norvégien par Terje Sinding
Mise en scène : Hélène Soulié
Adaptation et dramaturgie :
Hélène Soulié et Renaud Diligent
création le 19 janvier 2013,
Théâtre de l’Archipel,
scène nationale de Perpignan
CREDIT PHOTO : Marc Casal Liotier
Depuis quelques années déjà, peut-être depuis l’accident dont le petit Eyolf a été la victime, Rita sent que son mari lui échappe. Elle le voulait pour elle seule, il était sans cesse plongé dans son œuvre. Quand il s’en arrachait, ses confidences, son intimité semblaient se tourner davantage vers Asta, sa demi-soeur que vers elle. La « transformation » que lui annonce Alfred à son retour de voyage n’est pas celle qu’elle aurait pu souhaiter.
Une petite vieille au regard perçant, « La Demoiselle aux rats », entre et demande s’il n’y aurait pas, dans la maison, quelque chose qui ronge. Car elle a le pouvoir, elle et son chien, d’attirer tout ce qui ronge, tous les rats, et de les entraîner vers le fjord où ils se noient. Le petit Eyolf est fasciné par « La Demoiselle aux rats ». Quand elle s’en va, il s’esquive sans se faire remarquer. Il la suit. Quand elle monte dans sa barque sur le fjord et qu’elle s’éloigne du rivage, il la suit encore. Il s’enfonce dans l’eau et disparaît. L’eau est profonde et les courants sont violents. À la surface, il ne reste que la béquille.
La disparition du petit Eyolf laisse Alfred, Rita et Asta seuls face à eux-mêmes, face à la vérité de ce qui les « ronge ». La traversée est rude, la vérité cruelle. Mais elle opère une « transformation » qui laisse apparaître une possibilité de vivre : faire face à la responsabilité humaine.
DISTRIBUTION
Hélène Soulié
Adaptation et dramaturgie :
Hélène Soulié et Renaud Diligent
Scénographie :
Emmanuelle Debeuscher
Costumes :
Catherine Sardi
Lumières : Maurice Fouilhé
Espace sonore / Son : Adrien Cordier
Vidéo : Maïa Fastinger
Le texte est édité chez Le Spectateur Français – Imprimerie Nationale éditeur
DISTRIBUTION
Elsa Agnès
Claire Engel
Dominique Frot
Régis Lux
Emmanuel Matte
Et en alternance les enfants
Arthur Rouesnel ,
Diego Guerra
et Roméo Creton
PRODUCTION
Théâtre de l’Archipel, scène nationale de Perpignan
Coproduction
Théâtre de Nîmes / Scène nationale de Sète et du Bassin de Thau / EXIT
Avec le soutien
de la DRAC Languedoc-Roussillon, du Conseil régional Languedoc-Roussillon, de Réseau en scène dans le cadre de son accompagnement au collectif En jeux, de l’Ecole Nationale Supérieure d’Art Dramatique de Montpellier Agglomération et de la SPEDIDAM.
BANDE-ANNONCE VISIOSCÈNE
TRAILER
Jean-Pierre Léonardini, L’humanité, 19 février 2013
Sur la large scène avec presque rien, mais quel ! (scénographie d’Emmanuelle Debeusscher, vidéo de Maïa Fastinger, lumières de Maunce Fouilhé), règne un climat d’intense poésie froide; les uns et les autres (Claire Engel, Dominique Frot, Régis Lux, Emmanuelle Matte et un enfant) étant dûment séparés dans une diction intelligemment dépassionnée. Comme une juste révérence à Claude Régy.
Gage d’un travail d’art sans concession.
Evelyne Trân, Le monde.fr, 16 février 2013
Beaucoup de poésie se dégage de ce spectacle aussi captivant qu’un tableau de Hopper, qui nous fait entrer dans l’intimité d’êtres humains comme deux gouttes d’eau. Un tableau qui pleure mais touché par le soleil.
Gaspard Noel, Reg’arts, 13 février 2013
L’originalité du travail de Hélène Soulié est de ne rien lâcher. De faire suffisamment confiance au texte d’Ibsen et on ne peut pas lui donner tort. De croire aussi en ses comédiens qui sont tous en place, inspirés, avec une mention spéciale à Dominique Frot en femme aux rats dans une scène mémorable.
Thierry De Fages, Blog de Phaco, 18 février 2013
Spectacle émouvant et superbe, Eyolf est à l’image du théâtre d’Ibsen : mystérieux et humaniste.
Jean Chollet, Webthea, 24 février 2013
Cette nouvelle version mise en scène par Hélène Soulié, s’accompagne d’une mise à distance du réalisme et de la surcharge psychologique qui parfois accompagnent cette pièce. Dans la traduction de Terje Sinding, elle donne à entendre la complexité et l’exigeante sobriété de l’écriture d’Ibsen, et conduit avec un regard attentif la représentation vers une épure signifiante et révélatrice.
Sur une île.
C’est l’été.
Ce pourrait être un film de Chabrol.
Mais ce n’est un drame bourgeois qu’en apparence.
Aux allures de film noir.
De conte.
C’est une tragédie.
Qui se passe aujourd’hui.
La mort dans la pièce est active ; “vivante” pourrait-on dire.
Elle fait bouger les lignes, et provoque un déplacement.
Elle va mettre à jour les liens entre les personnages, les étirer, les briser, les révéler.
Elle va les transformer heureusement ou malheureusement, mais produire une transformation, délier les langues, débloquer les corps.
La pièce se développe comme une enquête, où tous les personnages portent chacun une part d’histoire et de connaissance que les autres n’ont pas.
Eyolf est une pièce où un enfant est sacrifié. C’est aussi une pièce sur le secret, et la dualité.
Je voudrais travailler sur quelque chose de spectral. Aussi bien du point de vue de la lumière, que de la scénographie, des images, ou du son.
Travailler la pièce comme une photo à développer : bain d’exposition, révélateur, bain de fixation, ou de séchage.
Travailler sur la page blanche, une histoire où rien ne s’imprime.
J’envisage quelque chose de très simple : l’image scénique mise au service de l’acte d’”imaginement” (ancien synonyme d’image, lié au verbe “imaginer” qui signifiait “écouter”). J’imagine une boîte noire, celle du théâtre, véritable boîte à images.
Créer un monde d’apparence et travailler sur des troubles de la perception visuelle, et interroger notre perception du réel. Balader le spectateur. Lui mentir, comme le font les personnages. Partir sur une piste, pour finalement lui révéler qu’elle ne mène à rien, et l’emmener ailleurs.
J’imagine ensuite des ramifications de gouttes de pluie sur le plateau : quelque chose qui vit, grouille. La pluie venant laver, révéler une autre situation, jusqu’alors soigneusement cachée.
Je voudrais travailler avec ces minuscules reflets que la lumière peut créer avec l’eau, comme des feux follets…L’eau est aussi ce qui nous raconte que nous sommes sur une île à plusieurs kilomètres de la ville. En huis clos. Un ferry à heure fixe. Sinon, rien.
Isolement. Refus de s’aventurer au-delà de soi-même. Peur de l’étrange ? de l’étranger ? De quoi ont-ils donc tellement peur ? Sinon d’eux mêmes.
Le plateau sera cette île ; et je considérerai le plateau comme la surface du monde visible ; ce qui n’y est plus visible n’existe plus. Est invisible, et pourtant existe quelque part, hante les vivants.
La question est donc de savoir comment on raconte que ceux qui ne sont plus présents sur la surface de la terre, dans le monde visible, restent présents.
Je crois intimement que c’est ça qu’il faut chercher.
On ne raconte pas l’histoire d’une famille, mais l’histoire de la vie qui se perpétue, qui se poursuit, de la perpétuation de la vie, et qui passe évidemment par la mort.
Ou alors l’histoire de la mort, qui passe inéluctablement par la vie.
Ici, les frontières sont vraiment ébranlées.
Nous travaillerons donc sur le seuil.
Seuil de l’ouïe, seuil de la vue, seuil de la conscience.
L’entre-deux.
Hélène Soulié