5 SECONDES
Mise en scène Hélène Soulié
Texte Catherine Benhamou
Création automne 2025
“On dit que les bébés savent tout quand ils naissent et que dieu leur met le doigt sur la bouche pour qu’ils ne disent rien, on dit que c’est pour ça qu’ils ont une fossette juste ici, au-dessus de la bouche.”
5 secondes est la première pièce du cycle de création “DÉLITS”.
Une réflexion humaniste au plus près des accusé.es, sur ce moment où parfois en une fraction de seconde leur vie bascule, sur la distance établie entre l’accusé.e et ce qui est dit de l’accusé.e, sur l’institution judiciaire et ce qu’elle révèle d’une société. Un cycle de travail au cœur de la justice dans sa double dimension :
contemporaine et politique d’une part, universelle et quasi mythologique de l’autre.
Inspiré d’un fait divers, 5 secondes nous raconte l’histoire d’un jeune homme qui va passer – de façon tout à fait inattendue, quelques heures avec un bébé, qu’une mère lui a confié avant de s’enfuir dans le RER.
C’est lui qui prend la parole.
Pour l’enfant.
Pour mettre des mots entendables sur l’évènement.
Pas les mots de la justice, pas les mots des qu’en-dira-t-on, mais ceux d’un fils, lui aussi élevé par sa mère, les mots d’un jeune homme pour un petit garçon.
Avec beaucoup de délicatesse, la pièce interroge “l’instinct maternel”, ce que la justice et la société attendent des mères et aussi, la difficulté de se construire aujourd’hui en tant qu’homme alors que le regard dominant enferme dans des stéréotypes de virilité.
5 secondes est aussi une pièce sur la jeunesse. Une jeunesse « vagabond » et décalée. Un road trip dans la langue, performé par un acteur-orchestre, qui en explorant les relations poétiques et sensorielles entre son corps et le son des mots, invente un futur désirable à tous les petits poucets.
La pièce, tout public à voir à partir de 15 ans (3e), est conçue pour l’itinérance.
DISTRIBUTION
Texte
Catherine Benhamou
Mise en scène
Hélène Soulié
Avec
Maxime Taffanel
Scénographie Emmanuelle Debeusscher & Hélène Soulié
Lumières Juliette Besançon
Costume Marie-Frédérique Fillon
Création son et dispositif sonore Jean-Christophe Sirven / Carole Rieussec
Régie générale Marion Koechlin
PRODUCTION
Production
Cie EXIT
Coproduction et partenaires
En cours…
Avec le soutien de
d’ARTCENA, de la DRAC Occitanie (au titre des compagnies conventionnées), la Ville de Montpellier, Montpellier Méditerranée Métropole et, en cours…
TéLéCHARGEMENTS
“Sauvons l’imagination, l’imagination sauve le reste !”
Annie Lebrun
C’est assez rare qu’on ne puisse pas lâcher un texte des mains.
Les mots, le récit, se déroulent, et nous voilà pris, comme pris à la gorge. Pris dans un souffle, un remous haletant.
Inspiré d’un fait divers, 5 secondes nous raconte l’histoire d’un jeune homme qui passe une nuit avec un bébé, que sa mère lui a passé (comme on passe un ballon de rugby) avant de s’enfuir dans le RER.
C’est lui qui prend la parole.
Pour l’enfant. Pour qu’il sache un jour.
Pour mettre des mots “entendables” sur l’évènement.
“Je t’ai vu dans quelques années, quand tu devras écrire pour la fête des mères, un poème dans un cœur de coquillettes. (…) J’ai pensé qu’il fallait que je te dise ça avant que le mot abandon n’ait eu le temps de répandre son poison dans tes veines.
Il fallait que je te le dise, avant que tu te retrouves, assis à ta table d’écolier, à t’acharner à coller les coquillettes, avec toutes tes larmes à retenir, maudissant la fête des mères, maudissant l’école, le monde entier, et surtout ta mère, pensant c’est de sa faute si j’ai une mauvaise note parce que je ne sais pas ce que je pourrais bien écrire au milieu de ce cœur dégueulasse plein de colle qui bave partout.”
Pas les mots de la justice, pas les mots des qu’en-dira-t-on, mais ceux d’un frère d’accident.
Des mots qui tentent de réparer et permettent au sang de circuler.
Dans la pièce, la parole, infiniment organique, advient par saccade, flow, hoquet.
Elle s’organise comme elle peut, s’enclenche par association d’idées, et s’essaye à tenir debout. Comme un enfant qui se redresse pour faire ses premiers pas.
Elle se situe au croisement, du lieu de l’accident d’abord : ce lieu où une mère abandonne son enfant dans les bras d’un jeune homme inconnu.
Elle se situe entre le quai du RER, le commissariat, la salle d’audience du tribunal, la chambre qui donne sur la rue dans l’appartement familial, et la forêt hétérotopique.
Au croisement des temporalités, des différents âges de la vie, des mémoires. Au croisement des phrases chocs entendues dans le présent venant réactiver celles entendues par le passé. Phrases dont la violence nous laissent à terre et que l’on traîne parfois toute notre vie durant.
Mais aussi au croisement du réel et de la fiction.
Une fiction forcée d’advenir pour combler les vides, les trous de réel, les trous noirs, les absences, et ce dans le glissement constant d’une frontière à l’autre, tissée entre les voix des dedans et celles des dehors, ici mêlées, fusionnées.
La pièce, véritable tragédie du langage entre celleux qui ont les mots et celleux qui n’en ont pas, ou n’ont pas les bons, met aussi en lumière comment le langage et la pensée dominante assignent l’individu, et sclérosent les imaginaires.
L’espace du procès où le récit prend ancrage, apparaît ici comme le lieu par excellence de cette domination sociale par le langage.
Et c’est le refus d’obtempérer aux visions que ce langage dominant impose qui ouvrira les voies de nouveaux récits, de nouveaux possibles.
La pièce est un road trip au cœur du verbe. Une pièce – paysage des mots. C’est à partir d’eux que tout s’esquisse. Un voyage dans les langues. Celles qui assignent, et celles qui vont se frayer un chemin pour échapper à l’assignation, s’en sortir, s’en émanciper.
Le temps d’une nuit d’errance dans une ville de banlieue, seuil après seuil, et dans l’attente d’une mère qui reviendra 3 jours plus tard au commissariat chercher son enfant qu’elle dira avoir “perdu”, un jeune homme s’adressant à un enfant, va s’affranchir des limites de sa propre enfance, et retrouver grâce à la parole qui advient, la direction de sa propre vie.
Avec beaucoup de délicatesse, il s’interrogera sur ce que l’on nomme “l’instinct maternel”¹, et ce que la justice (comme reflet de la société) attend des mères. Il questionnera la place des pères aussi et ce que la société leur concède parce qu’ils sont hommes. Et puis, il racontera la difficulté de se construire en tant qu’homme aujourd’hui, alors que le regard dominant enferme dans des stéréotypes de virilité.
C’est bien la construction de nos identités au regard des normes et attendus sociaux qui sera ici mise en question, et dans le même temps ce qui en nous résiste à cette norme, à la peur de ne pas lui correspondre, ce qui en nous résiste à l’écrasement.
5 secondes est aussi une pièce sur la jeunesse, une jeunesse « vagabond » et décalée. Comment vivre aujourd’hui quand on a 25 ou 30 ans ? Comment s’inventer une vie ? Alors que l’on se sent rejeté de partout, que toutes les portes se ferment ?
Comment s’arracher un droit à la vie ?
D’où je viens ? (dans le rapport aux lieux de mon enfance, dans le rapport que j’entretiens ou que j’entretenais avec mes parents)
Et où je vais ? Et qu’est-ce que je vais devenir, alors que je suis moi-même en âge de devenir parent ?
Et enfin, est-ce que j’ai le choix ? Dans quelles mesures suis-je libre de choisir, de m’inventer une vie ?
À la lecture du texte, j’ai eu immédiatement la vision de Maxime Taffanel prenant en charge cette parole. Maxime Taffanel est un acteur lumineux, intuitif, organique.
C’est un athlète de la langue ! Un acteur avec qui je partage aussi le plaisir d’aller à la rencontre d’une langue, de creuser l’espace de la rencontre entre le texte et nous, pour voir où est-ce qu’il nous amène et comment il vient nous modifier.
Depuis plusieurs années, je travaille avec cette notion-intuition de “texte partition”. J’ausculte le texte quasi en anthropologiste. Je cherche le souffle, le mouvement.
D’où ça parle ? Comment ça parle ? Pour qui ? Comment les mots dans leur organicité, leur fragilité se frayent un chemin pour conter de nouveaux réels, et dans le partage avec le public, viennent déterritorialiser une pensée dominante.
Il n’y a pas pour moi d’évidence à prendre la parole. Que ce soit sur un plateau ou dans l’espace social. Il y a, je le crois, parfois un empêchement de parler, de dire, ce que l’on est, ce que l’on ressent, ce que l’on pense. Il y a nos hontes, nos colères et les mots qui restent coincés dans la gorge. Ceux-là aussi m’intéressent.
L’espace du théâtre doit nous permettre de révéler avec les mots, de nouveaux sens, doit nous permettre d’être dans la fuite. De sortir du dressage de la parole. D’être fou avec les mots. “Nous sommes tous fous dans le langage” dit Lacan. De réinventer un langage, pour raconter des histoires qui nous ressemblent et que nous souhaitons voir advenir.
S’autoriser à dire et à faire entendre autrement les mots est une gageure énorme. S’autoriser à inventer une histoire alors que les mots nous manquent, que nous n’y avons parfois plus accès est une gageure énorme.
Et c’est ce que fait la figure du jeune homme qui prend la parole dans la pièce. En sublimant le réel en quelque sorte, il va (se) créer un nouvel espace à habiter.
“Le monde des rêves est un autre monde habitable et ce qui s’y passe, n’est pas moins vrai que ce qui se passe dans nos réalités” écrit Paul B. Préciado².
Et, ce-que va enclencher ici la fiction qui advient, c’est la possibilité de rêver sa vie, et donc de la vivre.
Avec 5 secondes, il ne s’agira plus simplement d’accueillir ou faire entendre une parole, mais de faire jouer une langue comme pour en explorer les polarités contraires d’émancipation et de travestissement, d’asservissement et de puissance.
Il s’agira aussi d’ausculter tout ce qu’elle produit sur le corps comme dérapage, tension, élan, et tout ce que le corps dans son mouvement produit sur elle.
Rendre visible la portée des mots.
Performer le langage.
Explorer les relations poétiques et sensorielles entre le corps et le son des mots.
Pour s’inventer, à l’image du jeune homme qui prend la parole, une nouvelle façon d’être au monde.
L’acteur orchestrera son récit.
Homme-orchestre contemporain, il fabriquera lui-même et en direct la bande sonore de son histoire.
Maxime Taffanel a une formation de musicien batteur. Par un système de capteurs relié à son propre corps, il nous fera entendre le son que celui-ci, mis à l’épreuve du texte, produit. Il mixera, samplera ces sons à d’autres plus exogènes comme par exemple ceux d’une batterie ? Ou à des sons préalablement collectés dans la ville.
Pour m’accompagner dans cette recherche, je ferai appel à Carole Rieussec, électro-acousticienne, poète sonore. Et à Jean-Christophe Sirven, compositeur et créateur de musique de spectacle.
J’ai déjà travaillé avec ces deux musiciens lors de précédents spectacles. Et l’idée de les réunir pour cette exploration me paraît résolument juste. Carole Rieussec pour ces expérimentations sonores. Jean-Christophe Sirven pour son sens et son écoute du récit, avec lequel il compose au plus près.
Ainsi nous construirons des tableaux sonores vivants, cadres fixes et plans-séquence à l’image du texte lui-même, et nous proposerons à partir d’un réel (celui du plateau, du direct, du fait divers) une nouvelle façon d’arpenter nos imaginaires.
Avec ce road trip poétique, nous expérimenterons nous-même le fait d’être en partance, d’être sur la route, et nous créerons une forme pour l’itinérance, une forme à installer partout, pour que la fiction, condition sine qua non de notre liberté d’agir s’immisce en tous lieux et que notre histoire donne envie à chacun.e de s’inventer un futur désirable.
Hélène Soulié
¹ Pour Camille Froidevaux-Metterie, l’instinct maternel serait : “la somme des préjugés intégrés dès l’enfance qui présentent la
maternité désirée et radieuse comme la norme, et comme une part non-négociable de l’identité féminine.”
Un corps à soi – Camille Froidevaux-Metterie – Seuil, 2023
² Paul B. Preciado – Un appartement sur Uranus, éditions Grasset, 2019.